Une tâche sur l’épaule, un geste d’apparente bonté… et le piège se referme. À Châtenay-Malabry comme ailleurs, de paisibles passants se sont retrouvés délestés de leurs bijoux en quelques secondes. Le stratagème, aussi cocasse que redoutable, a mené à un procès retentissant à Paris. Voici comment une fausse éclaboussure de mayonnaise est devenue la signature d’un réseau de voleurs itinérants.
Ce jour-là, Serge, 75 ans, ne s’attendait pas à ce que son dos souillé dissimule autre chose que la…
Une tâche sur l’épaule, un geste d’apparente bonté… et le piège se referme. À Châtenay-Malabry comme ailleurs, de paisibles passants se sont retrouvés délestés de leurs bijoux en quelques secondes. Le stratagème, aussi cocasse que redoutable, a mené à un procès retentissant à Paris. Voici comment une fausse éclaboussure de mayonnaise est devenue la signature d’un réseau de voleurs itinérants.
Ce jour-là, Serge, 75 ans, ne s’attendait pas à ce que son dos souillé dissimule autre chose que la malchance d’un volatile. Un liquide jaune coule sur sa veste. Il s’arrête, interloqué. Aussitôt, un couple compatissant se précipite : « Monsieur, vous avez été sali, laissez-nous vous aider. » L’homme se laisse faire, touché par tant de gentillesse. Pendant que l’un tamponne ses épaules, l’autre lui ôte en douceur son bracelet et son collier. Il ne s’en rendra compte que plus tard, trop tard.
Ce mode opératoire, baptisé « vol à la tache », a été reproduit au moins douze fois à travers la France. Paris, Montpellier, Orléans, Lyon : partout, des personnes âgées, souvent seules, arborant des bijoux apparents, sont devenues des cibles. Leur point commun ? La crédulité qu’inspire une scène d’aide spontanée et l’impossibilité de réagir à temps.
Un réseau familial structuré et mobile
Derrière cette série de vols, un quatuor bien organisé, originaire du Pérou, désormais jugé au tribunal de Paris. Juan Carlos T., 43 ans, et sa belle-sœur Jessica E., agissaient en binôme avec l’aide d’un chauffeur et d’un quatrième complice. Tous quatre évoluaient à bord de véhicules de location récupérés à l’aéroport d’Orly, leur permettant de quadriller le pays en toute discrétion.
Le modus operandi était toujours le même : une éclaboussure feinte (mayonnaise, sauce, ou substance simulant un excrément d’oiseau), une aide déguisée, et pendant que la victime est occupée à se faire nettoyer, des mains habiles subtilisent bijoux, montres ou portefeuilles. Une pierre de touche, outil des bijoutiers, servait ensuite à vérifier en temps réel la valeur de l’or volé.
Des bijoux dissimulés dans des luminaires
L’enquête, longue et minutieuse, a permis d’identifier les auteurs grâce à la vidéosurveillance et à la traçabilité des véhicules utilisés. C’est au domicile du receleur, à Paris, que la police a mis la main sur plusieurs bijoux soigneusement cachés… dans les plafonniers. Des chaînes, bagues et bracelets camouflés comme autant de trophées silencieux d’une tournée criminelle.
Les suspects ont été interpellés sans violence, mais avec une logistique de professionnels du vol itinérant. Leur profil interpelle : pas de délinquance de rue classique, mais une mécanique huilée, presque artisanale, et une exploitation méthodique de la vulnérabilité des aînés.
Des regrets, mais peu de compassion
Au procès, les prévenus ont défilé à la barre avec des trémolos dans la voix, évoquant des vies compliquées et des responsabilités familiales accablantes. Juan Carlos, père de 12 enfants, aurait agi pour mettre sa fille à l’abri d’un foyer violent. Jessica aurait volé pour soigner ses parents malades. Le chauffeur, quant à lui, évoque l’opération vitale de son épouse.
Mais le tribunal a tranché : ces actes ne relèvent pas de la débrouille désespérée, mais d’un « projet criminel structuré ». Le procureur a souligné l’absence de violence physique, mais la profondeur du traumatisme causé : « Ces personnes âgées ont été dupées, humiliées, parfois dévastées par cette trahison. »
Un verdict à la mesure des faits
Le jugement est tombé ce mardi à Paris : deux ans de prison ferme ont été requis pour Juan Carlos, Jessica et leur chauffeur. Le compagnon de cette dernière écope de huit mois. Tous quatre sont interdits de séjour sur le territoire français pendant dix ans. Quant au receleur présumé, il a été condamné à un an de prison avec sursis et une amende de 50 000 euros.
Cette affaire illustre une montée inquiétante de ce type d’arnaques « douces », sans arme ni cris, mais d’une efficacité redoutable. Le « vol à la tache », désormais bien identifié, incite à une vigilance accrue – notamment envers nos aînés, trop souvent pris pour cibles par des réseaux qui savent comment tirer parti de leur gentillesse.